Sagesse et plénitude intérieure

Sagesse : Une perspective de plénitude intérieure ?

La sagesse des anciens et des sages nous pousse à évoluer vers la plénitude intérieure, vers une quête d’une vie plus heureuse.

La quête d’une vie « bonne » ou « heureuse » est ce qu’on appelle la sagesse. Face aux tourments de notre monde actuel, il devient impératif de mettre de la sagesse dans nos vies car la sagesse indique une direction, « celle du maximum de bien-être dans le maximum de lucidité ».

Être heureux, être sage, n’est-ce pas simplement de satisfaire les besoins ou les aspirations de notre âme ?

Nul ne pourra être heureux s’il veut aller à contre-courant de sa nature profonde. Dans cette perspective, l’éducation, la culture et les écrits de nos ancêtres et de nos anciens sont précieux car ils nous inculquent la nécessité de la limite, de la loi et du respect de soi, de la nature et d’autrui. Face aux crises actuelles et à celles qui se préparent, nous aurons tout intérêt à redécouvrir les sagesses ancestrales, celles qui savaient respecter la nature, la nature de l’Homme et de l’esprit.

La sagesse de Bouddha ou des philosophes antiques

Que ce soit en Inde ou en Grèce, un certain nombre de sages affirment avoir trouvé une issue à l’impasse où se trouve l’homme qui cherche à adapter le monde à ses désirs. Inversant la problématique, le sage cherche à adapter ses désirs au monde.
Il vise à les maîtriser, à les limiter, voire à les neutraliser pour s’accorder au réel.

Le bonheur du sage ne dépend plus des événements qui lui sont extérieurs mais de l’harmonie de son monde intérieur. C’est parce qu’il a su trouver la paix en lui-même qu’il est heureux.

« Ce qui tourmente les hommes ce n’est pas la réalité, mais les opinions qu’ils s’en font, souviens-toi que ce qui te cause du tort, ce n’est pas qu’on t’insulte ou te frappe, mais l’opinion que tu as qu’on te fait du tort. Donc, si quelqu’un t’a mis en colère, sache que c’est ton propre jugement le responsable de ta colère. Il n’y a qu’une route vers le bonheur c’est de renoncer aux choses qui ne dépendent pas de notre volonté. N’attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites; décide de vouloir ce qui t’arrive et tu seras heureux » – Epictète

La sagesse nous invite à changer, à nous transformer

Nous l’aurons compris, plutôt que de vouloir changer le monde, le sage concentre ses efforts à se changer. Son bonheur est immanent, il se réalise ici-bas, dans le monde tel qu’il est, au plus intime de lui-même. D’où la fameuse citation de Gandhi : « Sois le changement que tu veux voir dans le monde »

Trois grands chemins de sagesse ; la transmutation du désir, l’accompagnement souple de la vie et la libération joyeuse du moi, que l’on trouve autant en Orient qu’en Occident ont été transmis par de nombreux sages et certaines traditions.

La transmutation du désir proposée par le bouddhisme est sans doute la plus radicale. Elle propose de s’attaquer à la source du problème en proposant d’éliminer la soif, la saisie, l’attachement.

Dans le stoïcisme, le désir instinctif, entièrement orienté vers le plaisir, est banni au profit de la volonté lucide et rationnelle.

Les deux objectifs visés par la sagesse stoïcienne sont la tranquillité de l’âme (ataraxia) et la liberté intérieure (autarkeia). Surtout, les stoïciens pratiquaient des exercices spirituels telles que l’attention vigilante, une attention de chaque instant, cette capacité à vivre le présent, l’instant présent. Les stoïciens préconisaient aussi l’examen de conscience quotidien, notamment afin de mesurer les progrès accomplis. Il est vrai que s’évaluer pour évoluer est une chose essentielle à réaliser si l’on souhaite progresser, c’est une des raisons pour lesquelles je prends, chaque année, le temps de faire le bilan de mon année, voire de ma vie. Enfin, ils pratiquaient régulièrement la méditation.

L’enseignement du Bouddha : le dharma

Quelques siècles avant la naissance du stoïcisme, est née en Inde une autre sagesse. Une sagesse toujours reconnue après 2500 ans et encore d’actualité qui allait presque tenir le même discours : le dharma.

Le prince Siddhārtha Gautama réalisa que la douleur était le lot commun de l’humanité et que nul, riche ou pauvre, ne pouvait y échapper. Selon la tradition bouddhiste, Siddhārtha Gautama atteignit l’éveil et se rendit ensuite près de Bénarès pour délivrer un long enseignement : le célèbre « discours sur la mise en mouvement de la roue du dharma ».

« Celui qui est le maître de lui-même est plus grand que celui qui est le maître du monde » – Bouddha (500 av. J.C)

Cette tradition s’appuie sur quatre Nobles Vérités :

La première dresse le constat de la non satisfaction et de la souffrance. Le mal-être est en somme inhérent à la nature humaine.

La deuxième est un diagnostic posé sur la cause de la souffrance, la loi de causalité ou « karma ».

La troisième vérité affirme que la guérison est possible.

La quatrième noble vérité fournit le remède : « le sentier octuple ». Cela correspond à trois disciplines : la conduite éthique, la discipline mentale et la sagesse dans une « Voie du milieu » : Une compréhension juste, une pensée juste, une parole juste, une action juste, un moyen d’existence juste, des efforts justes, une attention juste et une concentration juste.

Le Bouddha a défini le soi comme une combinaison toujours mouvante de cinq agrégats : corps, sensations, perception, formations de l’esprit et conscience. Il récuse l’existence d’un soi permanent (âme) et prône le non-soi (états de conscience modifiés). La pratique bouddhiste vise à nous défaire de cette illusion, à « lâcher l’égo », à accéder à la compréhension de la nature ultime de l’esprit : « la nature de Bouddha ». Cette libération consiste à prendre conscience de notre véritable nature, celle du Bouddha qui sommeille en nous et que nous devons réaliser.

De même que pour les stoïciens, il serait réducteur d’affirmer que le bouddhisme enjoint à renoncer à tout désir. Le désir qu’il se propose d’abolir est celui qui crée de l’attachement alors qu’il encourage le désir de progresser, de s’améliorer, dans la voie de l’empathie, de la conscience, de la compassion, dans une voie d’élan vers le bien, le bon et la beauté.

Tout être humain peut atteindre la sérénité et la plénitude

Les deux doctrines que sont le Stoïcisme et le Bouddhisme considèrent que tout être humain peut atteindre « l’éveil » ou « l’ataraxie » par un travail sur lui-même. Pour elles, ce qui est digne, ce n’est pas le rang social, mais la vertu. Celui qu’il convient d’admirer et d’imiter, c’est le sage, c’est à dire celui qui a su se rendre maître de lui même. Elles ont fondé l’idée d’un homme universel, au delà des cultures, et apporté au monde une voie qui permet de renverser l’ordre établi et d’acquérir une parfaite autonomie.

D’entre les deux, le bouddhisme est certainement la sagesse d’Orient la mieux disposée à comprendre un tel message. Sa modernité explique pourquoi cette grande sagesse nous parlent encore près de deux mille cinq cent ans après son apparition. On peut la considérer comme un des meilleurs antidotes à l’individualisme de notre société et de notre époque.

D’autres voies de réalisation et de plénitude ?

La voie proposée par le bouddhisme pour atteindre la sagesse est un chemin ardu et pas nécessairement accessible à tous. Elle est parfois stigmatisée par certains car empreinte d’une forme dogmatique (en –isme) tant décriée par Krishnamurti. Pour avoir étudié et pratiqué cette voie, je n’ai pas perçu de dogmes particuliers et ai toujours eu le sentiment de conserver ma part de libre arbitre. Néanmoins, je dois reconnaître, qu’au même titre d’autres religions (même si le bouddhisme ne se considère pas comme une religion mais comme une philosophie), l’homme a souvent confondu la religion et ses enseignements en les interprétant.

Pour ma part, j’ai toujours voulu garder de la distance et une part de lucidité entre le bouddhisme et l’enseignement du Bouddha (le Dharma), qui nous invite à ne rien croire sur parole mais simplement à expérimenter. C’est donc une voie d’expérimentation que nous propose l’enseignement du Bouddha. A ce titre, si vous voulez en savoir plus, je vous recommande l’excellent ouvrage : “La voie du Bouddha de Kalou Rinpoché.”

Une autre voie envisagée, à taille plus humaine, plus simple, pourrait être celle des plaisirs modérés, prônée par Aristote et Epicure. Elle ressemble également à celle proposée par Pierre Rabhi, et sa célèbre « sobriété heureuse ». Elle part du principe que les plaisirs sont bons en soi et qu’il faut juste les réguler par la raison. Dans une perspective assez proche, Michel de Montaigne, un écrivain français du XVIe siècle, va frayer un chemin de sagesse joyeux, modeste, conforme à la nature de chacun, qui trouve un écho étonnant chez les sages chinois taoïstes, notamment Lao-tseu, le principal fondateur du taoïsme philosophique.

Le message de sagesse des « Hommes vrais »

D’autres cultures ont enseigné ces messages de sagesse, il s’agit de la culture Amérindienne. Michel de Montaigne a d’ailleurs été profondément choqué par la manière dont on a traité les Indiens du Nouveau Monde. Non content de souligner la relativité des valeurs et des religions, Montaigne affirme à propos des Indiens que ces « sauvages » que l’on prétendait civiliser étaient plutôt aptes à nous prodiguer des enseignements très intéressants sur le respect de la nature et la condition humaine. Montaigne sera frappé par leur naturel et leur authenticité ; il les décrira comme « simples, spontanés, vrais, et, tout compte fait, heureux…»

J’ai eu la chance de rencontrer à deux reprises Dominique Rankin et de réaliser deux séjours avec lui; notamment pour pratiquer une « Matato », une tente de sudation et de guérison et un « Anokiwinni », un stage de ressourcement pour Hommes.

Anokiwinni en algonquin est une expression en lien avec le rôle de l’homme en tant que protecteur. Entre hommes, nous prenons le temps de réfléchir sur les différents rôles que nous jouons dans notre vie, prenant conscience de là où nous en sommes dans notre vie.

Dominique Rankin est un grand chef amérindien algonquin. Très apprécié pour son sens de l’humour et son énergie, il se consacre aujourd’hui au rôle de leader spirituel dans la tradition Anicinape.

Né sur les berges de la majestueuse rivière Harricana, il est destiné à succéder à son père à titre de chef héréditaire et homme-médecine, mais l’envahissement des territoires autochtones par les Blancs et l’intégration de force à leur société change radicalement le cours de son existence.

Arraché à ses parents et à sa culture, il grandit dans le pensionnat des petits Sauvages avant de retrouver la liberté, son peuple et ses origines.

Au travers de son livre « On nous appelait les Sauvages », il offre un vibrant témoignage sur le respect, le pardon et la guérison. Il a initié un chemin vers ce à quoi peut ressembler un Homme vrai, un homme qui aura été jusqu’au bout de sa quête malgré toutes les atrocités qu’il aura vécu.

D’ailleurs, comme Montaigne, je me demande bien aujourd’hui « Qui sont les sauvages ? »

La sagesse et la recherche du bonheur

Nous cherchons constamment notre bonheur en nous projetant dans le monde extérieur et matériel, alors que les enseignements des sages, et ce depuis longtemps, nous indiquent qu’il ne peut être trouvé qu’en nous, dans la satisfaction profonde que nous pouvons tirer des plaisirs simples de la vie qui, pour la plupart, ne coûtent rien. Ce qui importe, comme le disait Socrate, c’est de se « connaître soi-même ». Il convient également de connaître sa propre nature et de savoir ce qui est bon pour soi ? Toutes ces sagesses ancestrales nous convient à réapprendre à penser à partir de nos sens, de nos expériences, de l’observation de nous-mêmes, pas seulement à partir de théories apprises, de coutumes et des préjugés de la société dans laquelle nous vivons.

Le point crucial : l’éducation

Nous touchons à un point crucial de notre évolution : l’éducation ! L’éducation des enfants mais pas seulement, celle aussi de tous les adultes qui ont construit des dogmes et des entraves à nos évolutions humaines et spirituelles. Un vrai projet éducatif doit aujourd’hui consister à apprendre aux enfants à développer leur jugement mais également à développer l’empathie, la conscience et apprendre le respect de soi et des autres. Depuis des décennies, une forme de « pédagogie noire » nous contraint dans des schémas de pensée unique, dogmatique. L’éducation doit apprendre aux enfants à se faire un jugement sur les choses à partir d’eux-mêmes, de leur sensibilité, de leur propre expérience. Cela ne signifie pas que l’on doive renoncer à leur transmettre des valeurs essentielles à la vie en commun, comme la bonne foi, l’honnêteté, la fidélité, le respect d’autrui, la tolérance mais plutôt que la quantité de savoir, privilégier la qualité du jugement et la connaissance de la conscience par l’expérience.

La sagesse pour évoluer vers l’amour

Pour accroître la joie et atténuer la tristesse, les sages nous enseignent qu’il est important de réunir deux conditions : Apprendre à se connaître et régler son jugement afin de discerner ce qui est le mieux pour soi-même sans pour autant faire de tort à autrui. Les bouddhistes résument cela en une phrase, « L’égoïsme altruiste ». Le bien-être et la joie ne sont pas acquis, ils sont le fruit d’un travail sur soi et d’un « dévoilement », ils préexistent en nous, et il nous incombe de les faire émerger. L’action que nous avons à entreprendre est un exercice de l’esprit qui consiste à éliminer tout ce qui en nous fait obstacle à la joie de vivre et à notre bien-être. C’est un véritable travail de désencombrement avant de pouvoir savourer, en conscience, les bienfaits de la vie et de le partager, voire de le transmettre aux autres. Le travail intérieur, c’est à dire la connaissance de soi, la maîtrise de nos émotions puis l’élimination des émotions perturbatrices ou de représentations mentales erronées sont également un travail à réaliser. En coaching, on parle d’arriver à vivre en « zéro parasitage ». Ce cheminement est un réel travail sur soi, il ne peut s’acquérir sans efforts mais c’est surtout un chemin de conscience, une quête personnelle qui a davantage de chance d’aboutir, comme nous l’enseigne les grands sages, à une vie pleine de félicité, de plénitude et d’amour.

« Le rire de celui qui a atteint la félicité est sans pourquoi » – Tchouang-Tseu (370 – 287 av JC)

Livres références

                   Sagesse et voie du bouddhaSagesse